posté le dimanche 15 avril 2012 à 22:01

Des vies, des vies pas les mieux, pas les pires !

 

 

Des mois et des mois déjà depuis le dernier post !

Du temps, beaucoup. Et moi qui croyais sincèrement en manquer!  Qu'avez-vous fait pendant  vos soirées d'hiver, vos week-ends et vos congés ?

Moi, j'ai écrit. Relu. Envoyé. Mais, surtout, j'ai lu.

Une ultime relecture de mon gros projet autobiographique, le plus ambitieux de toute ma vie, avant de le confier à l'éditeur qui a déclaré vouloir le publier (Je vous en dirai plus d'ici la rentrée 2012/1013).

Ce simple envoi m'a plongée dans des abîmes de questionnements sur l'écriture, sur ses liens avec l'intimité, sur l'importance de se taire et l'obligation de parler, sur la légitimité de mon besoin d'écrire, sur l'unicité banale d'une vie d'humain.

 

La lecture seule pouvait m'aider à chercher, à creuser, peut-être même à trouver du sens au chaos ainsi invoqué.

Après Écrire, de Marguerite Duras, seules les Vies Minuscules de Pierre Michon voulaient bien se laisser lire.

C'est étrange cette façon qu'ont les livres de se présenter à vous, ouverts, prêts à être pénétrés ou alors fermés, décidés à vous refuser.

Vies Minuscules,  donc, en partie à cause de Shalmaneser, le plus fervent disciple de Michon, et de sa façon d'en parler et à cause de la librairie Charybde.

 

 

 

 

 

Peut-on écrire sans s'écrire ?

Livre lu, voici les questions soulignées : Peut-on écrire sans s'écrire ? Peut-on écrire en évitant de salir les mots sacrés avec la crasse du commun de l'existence ?

Et voici les phrases qui, à cause d'un trait de crayon resteront bien après la dernière page.

Des réflexions sur le temps, ma plus grande angoisse à ce jour, et sur la supériorité évidente des vivants sur les morts. Ceux-ci ont bouclé la boucle et souffriront n'importe quelle lecture de leur existence alors que ceux-là, en réajustement perpétuel, s'échappent toujours des cases de nos grilles de lecture.

« ... mais les morts ont le temps de s'attarder, nul désir effréné de leur fin ne les tire plus en avant.»

« Les choses du passé sont vertigineuses comme l'espace, et leur trace dans la mémoire est déficiente comme les mots : je découvrais qu'on se souvient.»

J'y ai aussi trouvé des échos à mes questionnements sur le pouvoir supposé des mots. Des mots puissants, quelquefois insuffisants, qu'on désire  malgré tout, faute de mieux, qui, tour à toutr,  nourrissent l'espoir et déçoivent cruellement.

« Que les mots sont vastes, qu'ils sont douteux. »

« Si l'Écrit m'était donné, pensais-je, il me donnerait tout.» puis « “Si l'Écrit t'est donné, il ne te donnera rien.” : je m'étais mis au pied du mur, et je n'étais pas maçon

« Le désert que j'étais, j'eusse voulu le peupler de mots, tisser un voile d'écriture pour dérober les orbites creuses de ma face ; je n'y parvenais pas; et le vide têtu de la page contaminait le monde dont il escamotait toute chose. »

« Je ne savais pas que l'écriture était un continent plus ténébreux, plus aguicheur et décevant que l'Afrique, l'écrivain une espèce plus avide de se perdre que l'explorateur; »

J'y ai également trouvé des résonnances puissantes avec mon absence de parents (ou la présence entêtante de mes parents insuffisants, ce qui revient au même) :

« ... fils perpétuel de la toute-absence du père et la fuite des femmes..»

«  Le père cependant mûrit, la graine d'absence en lui germa, quand on pouvait croire seulement qu'y dépérissait l'espoir; »

D'autres passages sont soulignés parce que beaux, poétiques, intrigants.

D'autres encore qui, faute de crayon à portée sont restés noyés dans le reste et ces pages entières où il aurait fallu tout souligner.

Une lecture torture voluptueuse dont je suis sortie changée.

 

Que lire ensuite ? Difficile à dire.

 

Qu'écrire après ça ?

 

L'évidence même. Un projet abandonné devant la difficulté à développer des vies que je ne connais que très mal et qui, malgré tout, ont pesé de tout leur poids sur ma vie, sur ma plume et mes séances de divan. Mes vies minuscules à moi ont retrouvé une légitimité après la lecture des 250 pages et 8 vies racontées par Pierre Michon.

 


 
 
posté le dimanche 08 janvier 2012 à 17:21

Comme cochons

Les fêtes, aux Antilles, du moins pour ceux qui y étaient suffisamment intégrés, étaient l'occasion de tuer le cochon. Boudin noir, pâtés salés, ragoût de porc avec ignames et pois d'angole... Noël, jour de l'an, une période de génocide où il ne fait pas bon être un cochon.

boudin

 
 
Cette note n'étant pas prévue pour la toute nouvelle section "cuisine", nous ne livrerons ici aucune recette. Bornons nous à rendre un hommage ému à tous les gorets, verrats et autres nourrains disparus avant d'avoir franchi le seuil de 2012.
Une lecture de cette fin d'année se rappelle opportunément à notre mémoire: Truismes de Marie Darrieussecq.
 

Truismes


 
Ce court roman m'avait été vanté à maintes reprises comme version féminine de La Métamorphose. Le texte de Kafka, suffisamment universel avait-il vraiment besoin d'être rétréci jusqu'à pouvoir entrer dans un chausson féminin, voire féministe ?
J'en avais différé l'achat, donc la lecture, jusqu'à la rencontre fortuite d'un exemplaire vendu à vil prix sur l'étal d'un bouquiniste.
La taille du livre ayant achevé de me convaincre de l'innocuité d'une tentative, je me lançai.
Grand bien me prit d'oublier de chercher Kafka entre les pages de ce roman. À part la ressemblance facile entre une transformation et une transformation, pas de parenté plus grande entre les destins respectifs de Grégoire Samsa et la narratrice, vendeuse de parfums, de massages et plus si affinités.
Ne rien chercher dans un livre, c'est se donner une chance d'y trouver quelque-chose.
Sans connaître l'éblouissement annoncé, j'ai suivi, sans me forcer, les 150 pages de ce texte. La chair, l'omniprésence de la chair et des sensations corporelles, voici ce que j'en retiens. De la boue, du toucher, tout ce qui, généralement, manque à mes propres textes. J'ai pensé notamment à Corps usagé peu servi, une des nouvelles de Connexion Interrompues, qui aurait peut-être gagné à présenter plus de sensations tactiles que l'obsédante douleur.



Ce qui me restera de ce texte également, c'est sa capacité à créer des ponts avec d'autres lectures qui comptent.
Je pense à Lisbonne dernière marge d'Antoine Volodine et en particulier au Montreur de cochons, ce texte dans le texte issu de la littérature des poubelles, créé, cité et commenté dans le roman de Volodine. La boue, la chair y sont à la fois plus palpables et plus évocatrices. On entend longtemps dans son propre cerveau le bruit des bêches sur les crânes qu'elles fracassent.
 
Lien aussi avec une parabole biblique. L'une de celles à partir desquelles, je finirai bien par tisser un texte ou l'autre : La parabole du fils prodigue. Le fils ingrat quitte la maison parentale avec sa part prévue de l'héritage. Il veut vivre sa vie et c'est ce qu'il fait jusqu'à ce que, à court de moyens, il se retrouve gardien de pourceaux, obligé pour manger de voler aux animaux les déchets dont il les nourrit. La crasse et la déchéance y suintent en un ichor visqueux.
 

Un passage de Lolita de Nabokov met en scène, de la même façon, des aubergistes porcins et leur clientèle grossière, vus par le délicat et cultivé Humbert Humbert, tout impatient d’approcher les nues.

 

Michael Kutsche : http://michaelkutsche.com/2009/

 

 
 

 

Dans ces trois exemples, le porc est le commun, l'homme banal, vautré dans son quotidien et non, comme chez Darrieussecq, une condition extraordinaire et surprenante. On cherche à quitter la porcherie ou on y retombe.
Une seule scène de Truismes pourrait  s'inscrire dans cette vision : le séjour dans la ferme de la mère, la lutte pour s'accrocher à un parfum, à un signe de civilisation pour se maintenir au-dessus du lot, pour échapper au sort des cochons ordinaires. C’est presque la fin du roman :
 
« Ensuite, je suis partie dans la forêt. Certains cochons m’ont suivie, les autres, trop attachés au confort de leur porcherie moderne, ont dû se faire récupérer par la SPA ou par un autre fermier, en tout cas, je n’aimerais pas être à leur place aujourd’hui ».
 
Des refrains moralisateurs comme celui-là sont éparpillés un peu partout au long du texte. On s’en serait volontiers passé.

 

 


 
 
posté le samedi 03 décembre 2011 à 14:41

A la casserole

 
Voici la toute première notes sur une activité qui prend de plus en plus de place, à côté de l'écriture : la cuisine.
Dans le labo de cuisine apparaîtront les essais et les classiques qui ne seront pas assez chics pour Le Drageoir aux épices où j'ai la chance d'être invitée de temps à autre.
 
Un classique, donc, que je fais les yeux fermés. un peu plus de sucre et je me rapproche de la pâte sablée, un peu moins, c'est presque une pâte brisée.
 
J'y ai souvent ajouté des épices, en fonction de la tarte destinée à s'y poser. Curry, cannelle, cumin, et même du thé.
 

Voici la Pâte à  tarte à la casserole

Pour une tarte

Ingrédients
250g de Farine
125g de margarine
deux pincées de sel
une cuiller à soupe de sucre
trois cuillers à soupe d’eau
deux pincées de bicarbonate (ou levure)

Préparation :
faire fondre dans une casserole la margarine, l’eau, le sucre, la levure, le sucre et le sel.
Verser d’un coup la farine. Mélanger jusqu’à obtenir une boule de pâte.
Cette pâte s’étale à la main dans le moule à tarte.
 


 
 
posté le lundi 14 novembre 2011 à 23:01

En revenant d'Utopie

Les Utopiales de Nantes, un de ces rendez-vous où certains ont choisi de se montrer en treillis ou en peluche-bas-résilles ! 

Une de ces étapes de l'année où se mesure et se corrige l'écart pris, sans s'en rendre compte, avec ce que l'on est.

J'y suis allée sans le masque ni l'armure auxquels nous contraint le quotidien. Je ne représentais que moi, mon livre, mes travaux, mes pensées délirantes.

Forcément, j'en reviens, le cœur et la tête débordants de souvenirs.

 

Des conférences, des expos, des tables rondes et puis un film, Verbo. Qui a réussi à me lacérer de l'intérieur, à me couper le souffle, à pulvériser les barrages de mes larmes. Un plaisir atroce, comme un de mes cauchemars, en mieux réalisé ! Faut-il maudire ou adorer Eduardo Chapero-Jackson?

 

Mais ce qui reste, qui nourrit, qui tient chaud, c'est tout le reste. De belles rencontres, certaines même, très touchantes, des retrouvailles, des fous rires, des conversations à bâton rompu, jusqu'aux heures les plus indues, des livres, trop comme toujours, et une cure de bière interrompues, juste le temps de changer de verre.

Cette année, soleil oblige, il convient de rajouter des terrasses, une balade en bateau, quelques pas dans Trentemoult, la visite du château (enfin !) et pour la touche futile, un énième collier, nouvelle pièce de la série "osons quelques gouttes de couleur".

Alors pour quelque temps, plus rien ne peut m'atteindre.

Ni les enfants surexcités du train retour, ni les révélations intimes de l'ado dans le métro, ni les sanglots téléphoniques de la quinquagénaire aigrie, ni même l'affluence sur la ligne 4.

Rien ne peut me voler cette satisfaction : cette année encore, j'y étais.

 

 

 


 
 
posté le vendredi 29 juillet 2011 à 15:13

Boire ou Écrire

L'été, j'ai du temps alors j'écris. L'été, j'ai du temps, alors je lis. Je n'ai pas les moyens de séparer les deux, pas la patience de remettre l'un de ces besoins à plus tard pour mieux assouvir l'autre.

 

©Francebiere.com

 

 

Cet été donc, plutôt que de m'attaquer à la terrible pile à lire, désormais disloquée et répartie dans plusieurs bibliothèques, j'ai empilé les derniers livres que m'ont offerts des amis assez sûrs de leurs goûts pour prendre ce risque et, en entrecoupant de textes puisés dans ma toute nouvelle liseuse, je les ai lus.

 

 

Il y a eu d'abord Crise d'asthme d'Etgar Keret , un recueil de nouvelles surprenantes : parfois surréalistes, parfois grinçantes ou encore, trait que je n'ai vu que chez quelques auteurs juifs, joyeusement désespérées. Bien que réalistes, la plupart du temps, les textes, très courts, trempent largement dans un fantastique adulte qui rappelle néanmoins les fables pour enfants. Ce livre m'a rappelé le plaisirs que je prenais à noter dans mon carnet l'absurde ou le merveilleux de situations réelles. Il faudra recommencer.

Après un interlude consacré à la lecture d'Incarnation, un roman de Xavier Bruce, j'ai repris la pile de cadeaux et glissé dans un Volodine, sans savoir si, cette fois, il m'accepterait. J'étais restée sur un échec avec seulement quelques pages des Anges mineurs.

 

 

 

Lisbonne dernière marge a bien voulu de moi. J'en garde un souvenir cotonneux, comme un nuage cueilli morceau par morceau et qu'il faudra laisser se condenser puis décanter longuement. L'histoire, car il y en a une, c'est celle d'Ingrid, une terroriste qui, avec son amant policier, passe au Portugal ses derniers jours sous son identité véritable. Elle doit se faire oublier dans un pays d'Asie d'où elle ne reviendra pas avant au moins quinze ans. Ingrid explique à celui qu'elle surnomme « Mon Dogue » qu'elle va passer tout ce temps à écrire. Et elle lui livre des pans entiers du livre crypté qui vit déjà en elle. Il ne croit pas que l'idée soit bonne. On n'écrit pas les mêmes choses, on ne brasse pas le même inconscient quand on est une terroriste idéaliste ou quand on est un écrivain soucieux d'art. Le livre se déploie devant lui, devant nous. Il parle de systèmes, de groupes d'écrivains, d'histoire falsifiée, de vie, de mort, de formes artistiques et surtout d'écriture. Le livre d'Ingrid et celui de Volodine continuent de résonner encore et encore.

 

L'heure est venue, ensuite, de me pencher sur l'objet le plus intimidant de la pile. Un beau livre gris, couverture en carton pilé, avec un immense bandeau rouge, me signifiant que sa lecture serait un grand moment. Avec l'accord écrit de l'éditeur(si, si), j'ai ôté le bandeau et commencé Le Dernier Stade de la soif de Frederick Exley

Pendant que je tâchais, dans mes propres travaux, de ranimer un Frédéric fan et une star américaine ne voulant plus de ce statut, je découvrais le récit d'un américain, Frederick Exley, lui-même, très tôt persuadé d'avoir sa place parmi les plus grands. Cette certitude, loin de le porter à la réussite, fait partie des raisons de son autodestruction. Fan de football et, plus particulièrement, de Frank Gifford de l'équipe des Giants, il vit de l'intérieur la gloire de son idole (la version originale s'intitule A Fan's notes) et se crée un monde idyllique qui prend le pas sur la réalité, le menant de bar en bar, du nord au sud des États Unis d'Amérique, en passant par l'asile psychiatrique, jusqu'au dernier stade de la soif. Échec après échec, Fred Exley se voit sombrer, lucide, horriblement lucide.

Ce livre est aussi l'histoire, décousue, de sa propre rédaction, de sa naissance dans la douleur en 1968. Pas une fiction légère, pas un livre sympa, mais la vie, laide et tenace d'un timbré alcoolique. Un grand livre !

De ceux qui donnent envie d'écrire une note de Blog.

Je pense que je vais remettre le bandeau.

 

 

 


Commentaires

 

1. AshEsse  le 01-07-2016 à 21:26:14

Joyeux anniversaire sœurette ! Grosses bises !

 
 
 
 

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