L'été, j'ai du temps alors j'écris. L'été, j'ai du temps, alors je lis. Je n'ai pas les moyens de séparer les deux, pas la patience de remettre l'un de ces besoins à plus tard pour mieux assouvir l'autre.
Cet été donc, plutôt que de m'attaquer à la terrible pile à lire, désormais disloquée et répartie dans plusieurs bibliothèques, j'ai empilé les derniers livres que m'ont offerts des amis assez sûrs de leurs goûts pour prendre ce risque et, en entrecoupant de textes puisés dans ma toute nouvelle liseuse, je les ai lus.
Il y a eu d'abord Crise d'asthme d'Etgar Keret , un recueil de nouvelles surprenantes : parfois surréalistes, parfois grinçantes ou encore, trait que je n'ai vu que chez quelques auteurs juifs, joyeusement désespérées. Bien que réalistes, la plupart du temps, les textes, très courts, trempent largement dans un fantastique adulte qui rappelle néanmoins les fables pour enfants. Ce livre m'a rappelé le plaisirs que je prenais à noter dans mon carnet l'absurde ou le merveilleux de situations réelles. Il faudra recommencer.
Après un interlude consacré à la lecture d'Incarnation, un roman de Xavier Bruce, j'ai repris la pile de cadeaux et glissé dans un Volodine, sans savoir si, cette fois, il m'accepterait. J'étais restée sur un échec avec seulement quelques pages des Anges mineurs.
Lisbonne dernière marge a bien voulu de moi. J'en garde un souvenir cotonneux, comme un nuage cueilli morceau par morceau et qu'il faudra laisser se condenser puis décanter longuement. L'histoire, car il y en a une, c'est celle d'Ingrid, une terroriste qui, avec son amant policier, passe au Portugal ses derniers jours sous son identité véritable. Elle doit se faire oublier dans un pays d'Asie d'où elle ne reviendra pas avant au moins quinze ans. Ingrid explique à celui qu'elle surnomme « Mon Dogue » qu'elle va passer tout ce temps à écrire. Et elle lui livre des pans entiers du livre crypté qui vit déjà en elle. Il ne croit pas que l'idée soit bonne. On n'écrit pas les mêmes choses, on ne brasse pas le même inconscient quand on est une terroriste idéaliste ou quand on est un écrivain soucieux d'art. Le livre se déploie devant lui, devant nous. Il parle de systèmes, de groupes d'écrivains, d'histoire falsifiée, de vie, de mort, de formes artistiques et surtout d'écriture. Le livre d'Ingrid et celui de Volodine continuent de résonner encore et encore.
L'heure est venue, ensuite, de me pencher sur l'objet le plus intimidant de la pile. Un beau livre gris, couverture en carton pilé, avec un immense bandeau rouge, me signifiant que sa lecture serait un grand moment. Avec l'accord écrit de l'éditeur(si, si), j'ai ôté le bandeau et commencé Le Dernier Stade de la soif de Frederick Exley
Pendant que je tâchais, dans mes propres travaux, de ranimer un Frédéric fan et une star américaine ne voulant plus de ce statut, je découvrais le récit d'un américain, Frederick Exley, lui-même, très tôt persuadé d'avoir sa place parmi les plus grands. Cette certitude, loin de le porter à la réussite, fait partie des raisons de son autodestruction. Fan de football et, plus particulièrement, de Frank Gifford de l'équipe des Giants, il vit de l'intérieur la gloire de son idole (la version originale s'intitule A Fan's notes) et se crée un monde idyllique qui prend le pas sur la réalité, le menant de bar en bar, du nord au sud des États Unis d'Amérique, en passant par l'asile psychiatrique, jusqu'au dernier stade de la soif. Échec après échec, Fred Exley se voit sombrer, lucide, horriblement lucide.
Ce livre est aussi l'histoire, décousue, de sa propre rédaction, de sa naissance dans la douleur en 1968. Pas une fiction légère, pas un livre sympa, mais la vie, laide et tenace d'un timbré alcoolique. Un grand livre !
De ceux qui donnent envie d'écrire une note de Blog.
Je pense que je vais remettre le bandeau.
Commentaires
Joyeux anniversaire sœurette ! Grosses bises !