Si j’avais pu me refaire un passé, quel serait-il ?
On évoque facilement le poids du passé. Quid de la pesanteur de ne pas en avoir ? Une fois lavées des souffrances et des angoisses, que deviennent les traces des années nomades et de l’étrange compagnie que j’avais pour famille ?
Le musée de mon enfance ne comporte guère d’objets.
C’est peut-être là que se trouve l’origine de mon goût prononcé pour les images et les chansons populaires qui auraient peuplé mon paysage si j’avais grandi dans un milieu normal et joliment banal. C’est aussi, sans doute, l’explication du plaisir que j’ai à imaginer ce qu’aurait pu être le déroulement de ma vie sans les quelques joyeusetés qui me valent le surnom si pertinent de K_tastrof ?
C’est en tout cas et certainement ce qui explique ma fascination excessive pour les vieux objets chargés d’histoire. Pas la grande, la dorée, la lourde, l’imposante. La petite histoire des petites gens. La vie moyenne des masses de la classe moyenne française.
Je repense à la volupté du contact avec le mobilier d’époque à l’expo « la bande son de mai 68 » l’été dernier. Une émotion plus forte encore que lors de ma première visite au Louvres, et pas seulement à cause du frisson de la musique.
C’est cette même corde qui vibrait à l’occasion de la dernière brocante où je me suis promenée, touchant bien plus que nécessaire tandis que les odeurs de cave, de papier moisi, de poussière et de familles me caressaient les narines. Le vieux téléphone recouvert de moquette vert pomme, la vieille cafetière, les manuels de maths écornés des enfants devenus grands, l’abat-jour début 70, la veste de velours côtelé, le téléviseur jauni, les boîtes de Lego et de Playmobil, les cuivres de grand-mère, les canards en céramique, l’authentique défroisseur vapeur, le grille pain incassable (c’est beau un grille-pain !), les fers à repasser sans vapeur et la vaisselle tellement datée !
Que croyaient-ils donc exposer là, sinon leur pauvre histoire de gens ordinaire. Voyeuse, je me repaissais du spectacle de leur passé, imaginant sans effort les accessoires de chez Ikéa remplaçant les reliques étalées. Mais Ikéa, je connais. C’est facile, c’est accessible. C’est de passé que je suis avide. Alors, j’ai mis les mains à la poche et leur ai acheté pour une ou deux bouchées de pain quelques fragments de leur histoire pour mieux recomposer la mienne, « par petits bouts façon puzzle ! »
1. bardebrume le 12-10-2008 à 11:49:10 (site)
Je suis tombé sur votre page par hasard.
A t il bien fait les choses?
Il semble que oui...
Je serais intéressé de connaitre votre avis sur ce que j'écris.
Je me suis lancé un jour comme ça pour voir...
Mais j'aimerai avoir un avis objectif.
Pourriez vous être cette oeil acéré ?
Merci
Bardebrume.
2. lejardindhelene le 18-10-2008 à 17:24:08 (site)
Je crois que ces objets , tout comme les vieilles maisons nous parlent...De toute ces vies qu'ils ont cotoyées, de ces "petites gens" qui les ont utilisés...J'aime aussi poser la main et y penser...
Bonne soirée.
3. k_tastrof le 04-11-2008 à 22:54:07 (site)
C'est juste. Ces objets ne nous parlent que parce qu'il y a eu des gens pour les faire vivre, avant de les mettre de côté. S'ils pouvaient nous raconter leur histoire...
Écrire et renouer avec le sens profond de ma présence au monde.
Écrire et cultiver mon regard sur ce qui m'entoure.
Écrire et me créer un monde bien à moi, ni plus doux, ni plus joyeux que la vie réelle. Le même en plus accessible, plus proche et surtout plus compréhensible.
Aucun scoop dans ce constat dont j'avais déjà l'intuition.
J'ai beaucoup écrit dans les trains, dans les lieux grouillant de monde et pendant les périodes de grande activité. Ce n'est sans doute pas par hasard que j'ai tendance à n'utiliser mes congés que pour relire et retravailler des textes nés dans la frénésie des activités quotidiennes.
Chaque écrivain a son rapport à l'écriture, son histoire avec les mots, histoire d'amour ou revanche à prendre.
J'ai souvent dit des mots, que ce sont eux qui m'ont sauvée de la mort et de la folie. C'est là le début de mon histoire avec les mots, c'est mon rapport à l'écriture, comme un lien entre moi et la vie, les autres et tout ce qui m'échappe.
Je n'écris pas tant pour me survivre que pour réussir à vivre. Ici, aujourd'hui, maintenant. L'écriture est mon frêle radeau dans le chaos du monde ambiant.
Anne Sylvestre dont j'aime beaucoup les textes pour adultes le disait déjà dans cette chanson, Écrire pour ne pas mourir qui me trotte dans la tête et que j'entends mieux maintenant :
1. lejardindhelene le 03-09-2008 à 08:16:44 (site)
Très beau...Mais je pense aussi à cette phrase de Marie Rouanet
" Ecrire, c'est-à-dire creuser en soi, est à double tranchant.. Si l'on éprouve la joie vertigineuse des archéologues à sortir de l'ombre des vestiges, ceux-là mêmes, fragmentaires et multicolores, mettent face au saccage du temps. "
Un peu trop juste parfois...Et on éprouve alors le besoin de laisser dormir...
2. k_tastrof le 03-09-2008 à 20:32:12
Cette réflexion me fait penser à la psychanalyse. Est-ce encore vrai quand on n'écrit pas directement sur soi ?
Je ne connaissais pas Marie Rouanet. De quel ouvrage est tiré cet extrait ?
3. lejardindhelene le 05-09-2008 à 11:46:48 (site)
Seuls ceux qui écrivent peuvent répondre à cette question...Cà dépend, je pense de la part de soi mise dans ses personnages...
J'ai une détestable habitude, je relève les phrases qui me plaisent dans les livres que je lis ...et j'oublie souvent de noter le titre du livre ! Et comme j'en ai lu beaucoup de Marie Rouanet...Si je ne dis pas de bêtise, il me semble que c'est dans "luxueuse austérité" ...
Chaque année, la surprise est la même : Eh ! mais je suis en vie !
On fait son inventaire existentiel : Qu'ai-je donc dans mon panier ?
On appelle ça un apéro-dînatoire, parce que ça fait quand même plus chic. D'ailleurs, il n'y avait même pas de télé.
Merci-coucou à ceux qui sont venus et à ceux (les mêmes et d'autres ?) qui viendront l'année prochaine.
1. jmdamien le 11-08-2008 à 01:54:45 (site)
Salut, merci de m'avoir mis dans tes favoris, ça me fais très plaisir. Damien
Un titre qui ne dit rien, de prime abord mais qui, mis en rapport avec l'illustration de couverture (un dessin vaguement médiéval, une gragouille un peu grotesque) intrigue et attise la curiosité.
Intrigué, on l'est encore après une page ou deux. Qu'est-ce donc que cette histoire de premier et de deuxième Loups Garous qui ne semblent pas se transformer et souffrent de problèmes digestifs ?
Puis, on n'y pense plus. On ne pense plus à rien, car on entre dans cette histoire loufoque, on vit, sourire aux lèvres, de surprise en surprise, ce récit théâtral, tout entier organisé de part et d'autre d'une porte ; une porte qu'on cogne, qui s'ouvre, qui se ferme, explose et se déplace.
La Porte, c'est aussi une histoire de religieux, leurs os et leur chair, leurs rites et leurs colères, leurs extases et leurs haines.
Je n'en dirai pas plus. Rien sur les barbares, ni sur le nain bardé de métal, ni sur les princesses du désert. Cette novella saura convaincre, elle-même de sa valeur ;
Lisez La Porte de Karim Berrouka. Encore une réussite des Editions Griffe d'Encre (cf. La vieille Anglaise et le continent, Les Contes myalgiques)
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