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Titre du blog : Kaleidoscope
Auteur : ktsteward
Date de création : 26-05-2008
 
posté le 04-03-2018 à 14:17:26

Rouge avec un dé


 

Le petit chaperon rouge

 

Quand j’ai écrit Noir sur Blanc, je me suis engagée sur un chemin difficile : dire à ceux qui voudraient me lire quelle a été mon enfance, en particulier sur le thème des agressions sexuelles et de l’emprise de la religion.
J’avais aussi envie de faire savoir que l’on peut s’en sortir.
Les retours des lectrices et lecteurs m’avaient confirmé que le message était passé et je pensais en avoir fini.
Après tout, ce n’était qu’une étape de ma vie, il s’agissait de passer à autre chose.

Lorsque les fondatrices de la Revue Ataye m’ont proposé d’animer mi-janvier un atelier d’écriture sur le thème des violences faites aux femmes et de la résilience, j’ai hésité, je l’avoue.
Aurais-je participé, moi, à une activité de ce genre ? Clairement, non. 
À cause du thème, sans doute, mais c’est l’aspect collectif qui me rebuterait le plus. 
Seulement, il ne s’agissait pas de moi et je pouvais comprendre à quel besoin pouvait répondre une telle activité.
Je voyais aussi les pièges qu’il conviendrait d’éviter.
J’ai commencé par ça.

Après discussion sur les modalités, les limites et les présupposés d’un tel atelier, j’ai accepté. 
Pas question de titiller inutilement les traumatismes et émotions des participantes. Pas de discours mensonger sur la thérapeutique de « l’art qui sauve », en occultant mes presque 20 ans de psychanalyse.
Pas de publicité mensongère vantant l’apprentissage express de l’écriture, voire de la poésie (je ne sais toujours pas comment ça marche).
Du partage, ludique si possible, bienveillant et créatif. 
À partir du postulat que les scénarios d’agressions sexuelles sont similaires, malgré la singularité des histoires personnelles, nous allions relire le Petit Chaperon Rouge de Perrault pour en extraire la trame simple et classique.
La proposition d’écriture, centrée sur ce conte pourrait alors s’étayer de quelques-unes des astuces de concentration et de déblocage de l’imagination que j’aime à expérimenter.
Pourquoi pas une boîte de dés ?
Me concentrer sur « comment faire » a supprimé tout autre questionnement. 
Je l’ai fait. 

Une dizaine de textes, poignants souvent, drôles parfois ou surprenants, m’ont prouvé qu’il était possible d’animer un atelier sur ce thème difficile.
Plus encore, les discussions et les réactions des participantes témoignaient de la puissance que confère la mise en mots pour se réapproprier un événement subi. 
En conclusion de ce travail, j’ai donné une lecture de Sanguine, mon petit chaperon rouge revisité sans méthode et publié dans l’Amicale des jeteurs de sorts.

Comme à chaque fois, ce qui s’est joué a résidé davantage dans la rencontre que dans les techniques déployées. 
Et une fois de plus, j’ai vu avec bonheur converger mes différents univers : écriture, psychologie, pédagogie...

En finir, ce n’est donc pas pour tout de suite. J’ai accepté d’endosser une responsabilité à laquelle je me déroberais bien quelquefois, mais que la vie vient me rappeler d’étranges façons.
Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, je suis conviée par la ministre des Outre-mer à prendre part à un dîner placé sous le thème des violences faites aux femmes dans les Outre-mer. 
Ce livre, Noir sur Blanc, mon histoire, fait partie de ma vie, ça je le savais.
Ce que je découvre, c’est qu’il peut aussi s’inscrire dans celle d’inconnues et leur parler à elles, indépendamment de mon parcours personnel.
Qu’il en soit ainsi.